LE TABAC : UNE HISTOIRE DANGEREUSE.

I/ Introduction

L’histoire du tabac n’aurait qu’un intérêt mineur s’il s’agissait simplement d’accumuler des anecdotes sur une plante, mais elle est aussi l’histoire d’une drogue connue dans le monde entier.

Comme nous allons le voir l’histoire du tabac est caractérisé par la mondialisation de sa commercialisation et de son usage, en un temps court compte tenu de la période étudiée.

Fumer du tabac est une activité complexe et la facilitation sociale de cette activité est liée à la symbolique de la fumée. Elle est une émanation du feu, et lui emprunte sa force, c’est l’image d’une relation entre la terre et le ciel, Depuis 5000 ans, La fumée a été associée à des rituels et à des croyances funéraires ou festives. La fumée s’élève et elle élève de nombreuses choses suivant les sociétés : les prières, l’esprit, même les mongolfières dans notre société.

Dans l’Antiquité. Les Romains et les Grecs fumaient essentiellement la pipe, parfois des feuilles roulées, mais n’utilisaient pas de tabac. Ils employaient des feuilles d’eucalyptus et de poirier

Après l’étude de ses origines Américaines, nous nous intéresserons à son développement en Europe, puis a la période industrielle.

II/ l’origine Américaine.

En l’état actuel de nos connaissances, c’est en Amérique, il y a plus de 3000 ans que cette histoire débute. Le tabac était connu dans la civilisation précolombienne. Les indigènes appelaient cette plante Pétun.

Le nom de tabac lui proviendrait de l’île de Tobago dans l’archipel des petites Antilles où il était cultivé. En botanique, il fait partie du genre nicotiana, famille des Solanacées (pomme de terre, aubergine et pétunia) et mesure de 1 mètres à 2 mètres suivant les espèces. La feuille représente la valeur de la plante, elle concentre la nicotine à son extrémité.

Chez les Incas et les Aztèques, le tabac avait comme vertu de calmer la faim, de lutter contre la fatigue : il était utilisé comme plante médicinale soit pure soit associé à des feuilles de coca.

Les fouilles révèlent différents usages : en décoction, prisé, chiqué, ingestion de jus, en lavement, ou directement par écrasement de la feuille en friction sur les muqueuses. L’usage de la pipe remonte à prés de 1000 ans avant notre ère

Lors des cérémonies, des doses absolument massives pouvaient être employées, aboutissant à la reproduction d’une mort : vomissement prostration, convulsion et renaissance. Tout cela conféré au chaman un pouvoir quasi divin.

Dans un deuxième temps, les Mayas importent cette plante en Amérique du Nord. Elle est alors utilisée par les communautés indiennes. Pour eux la fumé a une fonction purificatrice, ils en consomment quotidiennement et plus particulièrement dans les réunions festives.

Christophe Colomb découvre l’Amérique… et le tabac.

Le 12 octobre 1492 Christophe Colomb découvre l’Amérique et ouvre la porte de l’Europe à un grand nombre de nouveautés : La pomme de terre, le maïs, l’aubergine, le dindon et le tabac.

Dans son journal de bord, daté du 28 mars 1492, Christophe Colomb consigne ce qu’il a vu à Cuba : « Homme et femme avec un petit tison allumé, composé d’une sorte d’herbe, aspirent son parfum suivant la coutume » Cette sorte de grand cigare est appelée « tabaccos ».

Cette coutume sera confirmée et exposée aussi par l’évêque Barthélemy de Las Casa : « L’herbe dont les Indiens aspirent la fumée est bourrée dans une feuille sèche, les Indiens allument un bout et sucent et hume l’autre extrémité en aspirant intérieurement la fumée. »

Mais si les premiers explorateurs se contentent de décrire l’utilisation des tabacos par les indigènes d’autres vont l’importer en Europe.

III°/L’histoire devient Européenne.

Les premiers plans de tabac sont rapportés par Fernando Hernandez de Toledo, médecin du roi Philippe II (de Valladolid). À la cour du Portugal et à celle d’Espagne le tabac est longtemps utilisé comme simple plante d’ornement. Vers le milieu du XVI ième siècle, le tabac est planté au Portugal.

C’est un moine, André Thévet, de l’ordre religieux de Cordelier qui introduit cette plante en France avec une certaine confidentialité, il en plante dans sa ville d’Angoulême à des fins médicinales.

Vers 1560 le tabac va triompher grâce à Jean Nicot de Villemain, ambassadeur de France à Lisbonne. Il s’en procure auprès d’un marchand venu d’Amérique. La plante a cette époque est rare et chère

L’ambassadeur perçoit le tabac comme une herbe miracle. Il décide d’en envoyer quelques feuilles râpées à la reine Catherine de Médicis pour soulager son fils François II de ses migraines

L’histoire ne dit pas si son fils fût soulagé par le tabac mais cet épisode va faire la promotion de cette plante qui sera aussi appelée l’herbe à la Reine ou l’herbe à Nicot.

Phénomène de mode dans les cours, le tabac était râpé directement ou acheté en poudre afin de le priser. Une large diffusion va être possible grâce aux transports maritimes et à la médecine.

Les marins utilisent la pipe et la chique plus facile à utiliser sur les bateaux. Dès le XVI ième siècle, ils introduisent dans les zones portuaires l’usage puis la culture du tabac dans toute Europe,

Portés par d’hypothétiques effets thérapeutiques les apothicaires et les médecins lui reconnaissent une réputation de plante médicinale, efficace sur de nombreux maux, après son action supposée sur les migraines royales dont nous avons retrouvé quelques recettes.

« La vertu du tabac, c’est d’être vomitif, purgatif, vulnéraire (guérie les blessures ou administré après un traumatisme), céphalique. Il convient à l’apoplexie, paralysie et aux catarrhes. Il décharge le cerveau d’une lymphe dont la très grande quantité ou mauvaise qualité incommode cette partie. »

À noter que dans le cas de l’apoplexie et de la léthargie, on utilise une décoction en lavement cela facilitant je cite de nouveau : « l’expulsion des excréments crasses et grossiers. »

Ou alors:

« L’usage en fumé ou mâché convient dans les maux de dents, la migraine, les fluxions de tête, dans la goutte, les rhumatismes, et autres, causées par les dépôts d’humeurs glaireuses.

Les feuilles sont utilisées après macération dans du vin, en dermatologie pour les ulcères, les dartres et la galle

Pour finir avec ces exemples : « le sirop de tabac est employé dans l’asthme, et les toux opiniâtres. »

Au-delà de ces recettes, le tabac s’impose comme une mode, son usage se répand comme une traîné de poudre à travers toute l’Europe :

En Italie en 1561.

En Angleterre en1565.

En Allemagne et à Vienne en1570.

Puis dans le monde :

En Turquie en 1580 qui est la porte de l’Asie.

En Afrique par le Maroc des 1593.

En 1595 en Corée, Japon et Chine.

À la fin du XVI émes siècle le tabac est connu dans le monde entier. Dans un premier temps, cet usage est toléré pour sa capacité médicale supposée. De nombreuses oppositions s’apparaissent quant à son usage régulier sans motif médical et l’on doute même de ses vertus thérapeutiques.

Jacques premier d’Angleterre devient un adversaire virulent du tabac. Il le bannit de la cour. En 1565 il fait décapiter Walter Raleigh à Londres lui reprochant entre autres son rôle dans l’introduction et l’expansion du tabac, des pipes et même d’instructeur indien dans son royaume.

Dans le même contexte, on remarque d’autres dirigeants tout aussi intransigeants.

Le shah Abbas, se référant au Coran, fait trancher les lèvres des fumeurs, (1628 en Perse).

À Constantinople, le Sultan Amura IV pend ou brûle les utilisateurs de tabac ainsi qu’à Moscou (1634), où les fumeurs sont menacés de 60 coups de bâton sur la plante des pieds et condamné à mort en cas de récidive.

(1638) La Chine décapitait les fumeurs

En 1642 le Pape Urbain VIII interdit la consommation de tabac dans les églises sous peine d’excommunication et publie une bulle en ce sens.

« Interdisons et défendons à tous en général et à chacun en particulier, aux personnes de tout sexe, au séculiers aux ecclésiastiques, à tous les ordres religieux, à tous ceux faisant partie d’une institution religieuse quelconque, de prendre dans la suite sous les portiques et dans l’intérieur des églises du tabac de quelque manière que se soit. Si quelqu’un contrevient à ces dispositions, je l’excommunie. »( Loi Evin avant l’heure)

.Un changement d’attitude des gouvernants s’amorce en Angleterre en 1660 : le tabac est soumis à impôt.

En France sous Louis XIII l’état saisit le bénéfice pécuniaire d’un tel commerce et taxe le tabac.

Richelieu en 1629 instaure un droit de douane, mais 7 ans plus tard les premières plantations apparaissent à Claires dans le Lot et Garonne afin d’échapper à cette redevance.

(1674) Colbert, quant à lui, décrète le privilège de fabrication et de vente et crée la Compagnie des Indes qui détient le monopole du tabac. La contrebande apparaît, et les fraudeurs risquent les galères ou la mort.

1791 L’Assemblée nationale déclare la liberté de cultiver. C’est l’abolition des taxes.

Dès 1811 Napoléon premier rétablit le monopole des tabacs avec la création de la régie des tabacs.

Les Espagnols les plus pauvres ramassaient les mégots de cigares abandonnés et confectionnaient des « cigarets » revendus aux soldats. Les troupes napoléoniennes de retour d’Espagne introduisent le « cigaret » devenu cigarette en France.

Dès 1813 la culture est autorisée petit à petit, département après département dans toute la France.

VI/ Les temps modernes.

La cigarette industrielle naîtra et sera commercialisée dans les années 1830-1840 Le tabagisme prend alors son envol et dès 1868, l’association Française de lutte contre le tabac est créée. Louis Pasteur adhère à ce mouvement Les intérêts financiers mis en jeu laisseront peu de place à cette association : sa reconnaissance d’utilité publique restera lettre morte.

En 1880 le 14 septembre James Bonsak présente le brevet d’une machine qui produit 100 000 cigarettes par jour. Cette révolution a pour conséquence l’effondrement du prix des cigarettes.

Durant la grande guerre, la distribution du tabac sur le front est systématique et fait partie de la ration. Symbole de virilité, il trompe l’ennui et maintien éveillé.

Pendant l’occupation, le tabac est diabolisé. Hitler, Franco et Mussolini ne fumaient pas, Roosevelt, Staline Churchill ne quittait guère leur tabac Une photo représente même le Général De Gaulle une cigarette à la main marchant vers Notre Dame.

En 1944 les G.I.Américains venus libérer l’Europe introduit les cigarettes blondes Les marques Américaines envahissent le vieux continent. Les femmes se mettent à fumer. Toutes les classes sociales sont touchées.

Peu après la guerre (1948.) Sir Richard Doll réalise une étude épidémiologique prospective sur les médecins Anglais fumeurs. Il fait apparaître qu’en fonction du tabac certains confrères avaient de 5 à 50 fois plus de risque d’être atteint de certaines maladies. L’étude s’est poursuivie pendant 40 ans, cette étude novatrice à donné à Richard Doll une renommée internationale et a été à l’origine de son anoblissement.

La cigarette filtre inventée en 1930 apparaît en 1950 une fois prouvée la toxicité du tabac, c’est la réponse des compagnies cigarettières.

VII Conclusion.

L’histoire du tabac passe par l’Espagne dès son apparition en Europe.

Elle met en évidence les conflits permanents ayant existés depuis son apparition.

Les temps modernes nous amènent la connaissance des mécanismes de toxicité. Le tabac est aujourd’hui considéré comme une drogue à part entière sans notion de drogue douce.

La consommation d’une drogue est aussi vieille que le monde. Nous savons que toute substance addictive a le pouvoir de se fixer sur une zone précise du cerveau la techmental ventrale que nous appelons aussi le cerveau reptilien. Toute substance stimulant cette zone est potentiellement addictive. L’interdit voire la brutalité de la répression n’est pas une réponse valable surtout prise isolément à l’usage des drogues.

La taxation par les états à des fins mercantiles est en complète opposition avec sa mission de santé publique.

L’histoire continue …

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